Session plénière du 12 mai 2014, intervention de politique générale
Monsieur le Président, chers collègues,
Permettez moi de rappeler quelques faits récents :
- Le 7 avril dernier, le tribunal de Dijon condamnait Emmanuel Giboulot, viticulteur bio à une amende de 1000€ – dont 500 avec sursis – pour avoir refusé d’appliquer un traitement chimique à un vignoble sain.
- Des analyses menées par l’association Générations futures ont révélé la présence de 624 pesticides – dont 13 interdits en agriculture – dans les cheveux d’une trentaine d’enfants.
- Deux agriculteurs du Sud-Ouest, trompés par une entreprise de semences espagnole, ont semé à leur insu 6 variétés de maïs transgénique. Voilà ces OGM disséminés dans la nature et dans l’alimentation, sans aucun contrôle.
Ces quelques faits alimentent à juste titre l’inquiétude des citoyens.
Alarmés par les conclusions de l’étude menée par le professeur Seralini sur des rats nourris aux OGM, 55 000 citoyens ont adressé aux ministres concernés une pétition contre l’importation des OGM et de l’herbicide Roundup.
500 000 personnes ont signé une pétition de soutien à Emmanuel Giboulot.
Deux Français sur trois se déclarent hostiles aux OGM .
Face au refus de plus en plus généralisé d’une alimentation et d’un environnement entièrement contaminés par la chimie et à l’expression des dangers qui menacent notre santé à tous, quelles sont les réponses apportées par les politiques?
Cette année encore, des dérogations ont été demandées en Bourgogne pour traiter certains vignobles par épandages aériens ; cette mesure exceptionnelle, refusée en Saône et Loire se trouve malheureusement accordée dans l’Yonne.
La Côte d’or échappera vraisemblablement à l’obligation de traitement contre la flavescence dorée, mais pas la Saône et Loire, et sur des surfaces importantes.
Notre Parlement vient d’interdire définitivement la culture d’OGM, malgré l’opposition marquée d’une droite favorable à l’agriculture chimique et industrielle. Nous saluons cette mesure courageuse, qui montre la voie de l’avenir et qui se trouve confortée par l’avis du Conseil constitutionnel.
Cependant, l’affaire des semences OGM utilisées par erreur par les agriculteurs du sud-ouest, comme les analyses réalisées par Générations futures mettent l’accent sur les graves insuffisances des contrôles et de la législation au niveau européen. Ainsi les plantes mutées, soumises par exemple à l’irradiation – bien que reconnues et classées officiellement comme Organismes Génétiquement Modifiés – échappent encore à toute réglementation et sont cultivées dans nos champs sans aucun contrôle.
On le voit : c’est une réglementation plus complète et plus efficace, c’est une information plus claire et plus rigoureuse que nous réclamons et avec nous, les nombreux citoyens qui se mobilisent pour défendre un monde protecteur de la vie, plutôt que porteur de mort.
Malheureusement, c’est le chemin contraire que l’Union européenne a ouvert en donnant mandat à la Commission pour négocier à l’abri des regards le projet de Grand Marché Transatlantique, encore désigné par les sigles anglais TAFTA et TTIP. A la veille des élections européennes, la majorité de nos concitoyens n’a jamais entendu parler de l’existence d’un tel projet et de ses conséquences potentielles. Celles- ci sont si énormes que la première réaction des personnes qui les découvrent est l’incrédulité. Comment pourrait-on détruire les protections réglementaires actuelles, déjà insuffisantes ? Comment le Parlement européen pourrait-il renoncer de fait à ses prérogatives ? comment oserait-il vider par là même de sa substance le mandat des élus de toutes les collectivités, au seul bénéfice des multinationales ?
Le vœu adopté à ce sujet lors de notre dernière session plénière et adressé à l’ARF n’a pas, à notre connaissance, reçu de réponse. Nous le regrettons, mais tout n’est pas perdu : cette instance dispose encore d’une douzaine de jours pour faire connaître sa position, avant le scrutin du 25 mai, sur ce dossier d’une importance capitale pour les futures régions.
En attendant l’arrêt souhaitable de ces négociations euratlantiques ramenons la question à notre niveau régional. Que pouvons-nous faire pour résister aux dangers évoqués et redonner confiance aux Bourguignons dans la politique ? Pionnière dans le refus des OGM et signataire de la Charte de Florence, notre région a su traduire en actes ses engagements en soutenant les démarches agricoles de qualité et respectueuses de l’environnement. Nous pouvons être légitimement fiers de cette avance et la mettre à profit pour nous inscrire dans les orientations nationales de doublement des surfaces cultivées en bio. Donnons nous les moyens de préserver ces précieux acquis et de les amplifier. L’austérité en matière d’alimentation, et donc de santé, ne saurait être à l’ordre du jour. Multiplier par deux les surfaces cultivées en bio, c’est créer des emplois, renforcer la protection de l’eau, augmenter le nombre d’AMAPP et de circuits courts, développer l’offre d’aliments sains dans les cantines scolaires ; c’est manifester aux Bourguignons le souci que nous avons de leur santé et de leur qualité de vie.
Je terminerai en soulignant que ces orientations sont encore plus cruciales au moment où se profile la possibilité d’une fusion avec la Franche-Comté voisine. Si les discussions sont restées jusqu’à présent au niveau des deux présidents, un débat approfondi n’a pas encore eu lieu sur ce sujet, il devra associer tous les conseillers régionaux des 2 régions, et prendre en compte la nécessité de préserver nos avancées et de les désigner comme des priorités incontournables à notre futur partenaire.
Les écologistes y seront particulièrement vigilants.
Chantal Dhoukar