Refonder notre démocratie territoriale – Intervention de Philippe Hervieu
Europe Écologie les Verts défend depuis longtemps la nécessité d’une Réforme Territoriale ambitieuse. Chaque époque devant réajuster ses institutions en regard du contexte, le XXIème siècle entamé nous commande de faire face aux défis majeurs que sont le changement climatique, la transition énergétique, la réduction des inégalités, le développement économique responsable.
Aussi la mise en mouvement de la société par une modernisation de ses institutions est un enjeu déterminant qui ne peut être traité à la hâte. Le calendrier resserré qui est proposé fait peser un risque important sur la bonne fin de cette réforme. Nos concitoyens auront-ils le temps de s’approprier tous les enjeux de ce dossier difficile et important ?
On peut en douter alors que c’est pourtant une condition sine qua non de sa réussite.
On nous dit que les objectifs de la Réforme Territoriale sont de faire des économies et d’augmenter la taille moyenne des régions françaises à un niveau critique qui serait celui des régions européennes. Or, de nombreuses régions européennes ont une taille inférieure aux nôtres.
Soyons clair, c’est une ambition faible et discutable d’autant qu’en faisant débattre le parlement sur le découpage territorial avant même toute discussion sur le fond, le gouvernement met véritablement ‘’la charrue avant les bœufs’’. Une réforme aussi importante ne peut débuter par un redécoupage contestable en renvoyant à un avenir indéterminé le travail fondamental sur les compétences et les moyens des futures régions.
Il faut que la carte proposée par le gouvernement soit amendée pour mieux correspondre aux territoires vécus et que le redécoupage ne passe pas obligatoirement par le rassemblement de régions entières : la proximité est une des conditions de la réussite de la transition écologique.
Pour les écologistes les véritables enjeux d’une telle réforme sont le renouvellement démocratique, l’égalité des territoires et l’efficacité de l’organisation institutionnelle.
Le renouvellement démocratique doit avoir pour objectif de rapprocher le citoyen des instances de décision. Or, le principe de fusion qui prévaut actuellement aura pour effet de l’éloigner des instances territoriales qui le représenteront.
Pour ce faire une simplification de l’architecture territoriale est nécessaire. Le couple commune-interco doit être le lieu où s’élaborent les politiques de proximité et les politiques sociales. Le Conseil Général doit disparaître et ses compétences peuvent se répartir entre Région et intercommunalités, mais sa suppression n’étant envisagée que pour 2020, la réforme proposée est inaboutie.
Pour que le citoyen se sente concerné il faut aussi qu’un équilibre soit trouvé entre démocratie représentative et démocratie participative. Une évolution vers un bicamérisme régional est souhaitable notamment avec une évolution du rôle des CESER ainsi que du mode de désignation de ses membres.
Pour que chacun se sente représenté il faut un mode de scrutin direct à la proportionnelle avec une prime majoritaire de 25% pour l’ensemble des scrutins territoriaux.
Un changement dans le mode de gouvernance des collectivités territoriales est aussi nécessaire. A l’instar du niveau national il faut une séparation nette des pouvoirs entre les assemblées délibératives et l’exécutif.
Enfin des outils de participation des citoyens pourraient être promus, tels que les referendums locaux, les conseils de développement, le droit de pétition, la possibilité d’intervenir sur une partie de l’ordre du jour des Conseils régionaux.
Les écologistes sont favorables au renforcement du rôle des régions. C’est une étape vers une Europe des Régions qui fédère dans un Etat qui libère les énergies et assure la justice Républicaine. Mais ils ne confondent pas région forte et région étendue.
Les régions doivent avoir un pouvoir prescriptif et devenir chefs de file de compétences clairement énoncées : aménagement et développement soutenable des territoires, développement économique, énergies, climat, mobilité, environnement, infrastructures, , lycées et collèges, formation et orientation… La clause de compétence générale doit être garantie pour les régions, permettant ainsi des actions qui prennent en compte la diversité des situations.
Une nécessaire autonomie fiscale des régions.
Pour ce faire, une autonomie fiscale est nécessaire. Elle devra reposer en partie sur une décentralisation des recettes de l’Etat et sur le développement d’une fiscalité écologique.
Ces nouvelles régions apparaîtront d’autant plus pertinentes que l’égalité des territoires sera retenue comme un des objectifs principaux. Dans cet esprit une logique de complémentarité et non de compétition, sera un des fers de lance de la réforme. La loi devra préciser la péréquation inter-régionale et définir les grands principes de l’égalité territoriale à l’échelle infrarégionale.
À tous les niveaux les écologistes travailleront à une élaboration démocratique de cette réforme indispensable
Mais pour que cette réforme réussisse, nous exigerons que chaque territoire, rural ou urbain, soit vraiment consulté et écouté, que du temps soit donné pour réussir cette réforme et qu’elle donne la priorité au fond – les objectifs – et non à la forme – le redécoupage. De la qualité du débat et du résultat, dépendra la possibilité de mettre, ou non, la société en mouvement pour la transition écologique.
Philippe Hervieu